Le 12 août 2024, la Journée Mondiale de la Jeunesse a réuni experts et activistes à Labé autour d’une thématique cruciale : « Violences numériques, facteur de troubles sociaux ». Cet événement, organisé par le Centre d’Écoute, de Conseils et d’Orientation pour Jeunes (CECOJE), en partenariat avec l’ONG E-Education Citoyenne et la Troupe Artistique Pottal, a permis de mettre en lumière les impacts dévastateurs du numérique sur la cohésion sociale, tout en explorant les solutions pour en faire un levier de changement positif.
Les violences numériques, un fléau souvent ignoré, affectent aujourd’hui tous les aspects de la société moderne. Avec la montée en puissance des réseaux sociaux et des plateformes en ligne, les jeunes se retrouvent en première ligne de ces nouvelles formes de violences. Pour aborder cette réalité préoccupante, la Journée Mondiale de la Jeunesse 2024, célébrée à Labé, a été un moment fort de réflexion autour du thème : « Violences numériques, facteur de troubles sociaux ».
Organisé par le CECOJE en collaboration avec l’ONG E-Education Citoyenne et la Troupe Artistique Pottal, cet événement a mis à l’honneur des jeunes leaders et experts engagés, qui ont partagé leurs analyses et solutions dans le cadre d’un TED Talk intitulé « Jeunes pour les jeunes ». Cette initiative a permis de libérer la parole autour des violences basées sur le genre (VBG), de la désinformation genrée, et du rôle du numérique dans la promotion du vivre-ensemble.
Un panel d’experts engagés pour le changement social
Le sociologue et activiste en ligne Mamadou Saïdou Diallo a ouvert le débat en exposant les multiples facettes des violences numériques et leur rôle dans l’aggravation des tensions sociales.
Fort de son expérience en tant que président de la plateforme « Unis dans nos Différences! » et responsable de la communication au sein de Villageois2.0, Mamadou Saïdou Diallo a montré comment l’extrémisme en ligne contribue à la radicalisation des jeunes et à l’instabilité sociale en Guinée. En soulignant l’importance de l’éducation numérique et de la sensibilisation, il a appelé à l’utilisation responsable des technologies pour encourager la paix et la cohésion sociale.
Aïssatou Diouldé Bah, activiste spécialisée dans la lutte contre les VBG et chargée de programmes au sein de l’ONG E-Education Citoyenne, a enrichi les débats en rappelant que les violences numériques sont souvent le prolongement des violences basées sur le genre. Elle a insisté sur l’importance pour les jeunes, notamment les jeunes filles, de s’impliquer dans la sphère politique pour un développement local réussi. Selon elle, le numérique doit être un outil de promotion de l’égalité des genres et de l’engagement citoyen, plutôt qu’un instrument de division. Elle a également souligné que la participation des jeunes femmes à la vie politique est cruciale pour construire une société inclusive et durable.
Thierno Fatoumata Oury Diallo, activiste des droits de l’homme et présidente régionale du Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée, a porté un regard critique sur la désinformation genrée, souvent utilisée pour discréditer et marginaliser les femmes.
Elle a exposé comment cette forme spécifique de violence numérique contribue à la fragilisation du tissu social. En tant que co-fondatrice de BOLARO TECHNOLOGIE INFORMATIQUE, elle a proposé des solutions basées sur l’éducation numérique pour sensibiliser et protéger les jeunes femmes contre ces attaques en ligne.
Aboubacar Oluwatimileyin Sow, gestionnaire des médias sociaux et enseignant, a conclu le panel en insistant sur la responsabilité des jeunes dans la transformation des médias sociaux en plateformes de paix et de dialogue.
D’origine guinéo-nigériane, il a partagé son expérience personnelle et professionnelle sur les défis et opportunités que représentent les technologies numériques dans la lutte contre la désinformation et la polarisation des communautés. Pour lui, les jeunes doivent jouer un rôle de premier plan dans l’édification d’un espace numérique sécurisé, basé sur le respect et la tolérance.
L’urgence de repenser l’usage du numérique
Au-delà des constats alarmants, cette journée a également été l’occasion de proposer des solutions concrètes pour freiner l’escalade des violences numériques. L’ensemble des panélistes ont plaidé pour un renforcement de l’éducation numérique, notamment à travers des campagnes de sensibilisation dans les écoles et les universités, ainsi que des programmes de formation pour les jeunes actifs en ligne. Le rôle des gouvernements, des ONG et des entreprises technologiques dans la régulation et la protection des utilisateurs a aussi été souligné.
En parallèle, Aïssatou Diouldé Bah a réitéré l’importance d’intégrer les femmes dans ces processus décisionnels, en rappelant que leur exclusion des espaces politiques et numériques ne fait qu’aggraver les inégalités. En tant que Secrétaire chargée du genre et de la gestion des conflits au CNJ Guinée, elle milite pour une plus grande participation des jeunes femmes dans les débats politiques et numériques, afin de garantir une société plus juste et équitable.
Un appel à l’action pour les jeunes
L’un des moments marquants de cette Journée Mondiale de la Jeunesse a été la prestation théâtrale percutante de la Troupe Artistique Pottal, qui a sensibilisé le public sur le thème du cyberharcèlement et des conséquences dramatiques de la fuite de sextapes, un fléau en pleine expansion dans la région de Labé. À travers des scènes poignantes, la troupe a illustré les répercussions sociales et psychologiques de ces violences numériques, particulièrement pour les jeunes filles et les femmes. Le théâtre a touché la salle en mettant en lumière l’urgence de responsabiliser les jeunes utilisateurs des technologies numériques.
Parallèlement, plusieurs invité·es ont pris la parole pour partager leurs propres témoignages sur les violences qu’ils ou leurs proches ont subies en ligne. Ces récits de victimes de cyberharcèlement ont souligné à quel point ces abus numériques ont des effets dévastateurs dans la vie quotidienne. Parmi les recommandations issues de ces interventions, les participant·es ont demandé l’organisation de séances de renforcement des capacités pour mieux se protéger et agir face aux violences numériques.
Les intervenant·es ont également lancé un appel à la responsabilité numérique, exhortant les jeunes à utiliser les réseaux sociaux de manière constructive et respectueuse. Ils ont souligné la nécessité d’introduire un programme d’éducation aux médias et à l’information dans les écoles, afin que les jeunes puissent apprendre à identifier la désinformation, reconnaître les contenus haineux, et comprendre les risques liés à la surexposition de la vie privée en ligne.
En réaffirmant leur engagement pour une utilisation éthique des plateformes numériques, les panélistes et les invités ont mis en avant la responsabilité collective face à la propagation des violences en ligne. Ils ont également rappelé que les technologies peuvent être des leviers de paix et de développement, à condition qu’elles soient accompagnées d’une éducation adaptée et d’une réglementation renforcée.
Ce plaidoyer appelle la jeunesse guinéenne à s’unir pour faire du numérique un espace de partage, de dialogue et de tolérance, loin des dérives actuelles qui menacent la cohésion sociale. Il est temps d’agir et de transformer les défis du numérique en opportunités pour bâtir une société plus inclusive, juste et respectueuse des droits humains.
La JMJ, un tournant dans la lutte contre les VBG
La Journée Mondiale de la Jeunesse 2024 a marqué un tournant dans la lutte contre les violences numériques en Guinée. Elle a mis en lumière le rôle fondamental des jeunes dans cette lutte, tout en rappelant l’urgence d’agir pour transformer ces espaces en lieux de respect et de dialogue. Les intervenants ont montré que, malgré les défis, le numérique reste un outil puissant pour promouvoir le vivre-ensemble et construire un avenir meilleur pour tous.